(Arrivée de La Fayette en Amérique)

Lorsqu’elle naît à Reims en 1777, son père, Nicolas Ponsardin, fait partie de l’élite des négociants de la ville. Deux ans plus tôt, en 1775, il a repris la manufacture textile fondée par son père en 1728 et qui jouit, un peu partout en France, d’une excellente réputation.

Nicolas Ponsardin parviendra à traverser sans encombre la Révolution française, adhérant même un temps à l’antenne rémoise du Club des jacobins dont le grand homme, à Paris, est Robespierre. Maire de Reims et baron sous l’Empire, on le retrouve royaliste lors de la première Restauration, bonapartiste lors des Cent-Jours, et à nouveau royaliste après 1815, ce qui lui vaut de conserver la mairie de Reims ! Lorsqu’il meurt en 1820, ce négociant prospère et respecté, qui vit comme un aristocrate dans son hôtel particulier de Reims et dont le parcours est typique de celui des élites économiques de son temps, laisse une confortable fortune dont sa fille héritera en partie.

Nicole Barbe vivra au sein de l’hôtel particulier Clicquot-Ponsardin   Edifié vers 1780  et situé en plein cœur de Reims à deux pas de la place royale. Il abrite aujourd’hui le siège de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Reims et d’Epernay

Barbe Nicole Ponsardin  épouse le 11 juin 1798 à Reims François Clicquot (1774-1805),

négociant en champagne

(1798 début de l’expédition de Bonaparte en Égypte  – Nous sommes en l’an VI )

La mode

Le père de François Clicquot :

Au cours du 18e siècle, Monsieur Clicquot Philippe commercialise alors du vin pétillant, mais de manière officieuse. C’est alors qu’il se décide d’officialiser la commercialisation de ses champagnes. Auparavant, Clicquot produisait du vin pétillant pour sa consommation personnelle et vendait uniquement l’excédent de bouteilles dans son entourage.  En 1772, Philippe Clicquot-Muiron fonde sa maison de champagne !

François Clicquot

Il faut cependant savoir que cette entreprise familiale de champagne ne connaît véritablement le succès qu’en 1802 lorsque François Clicquot prend alors la succession de son père.

Lorsque son fils François le rejoint, en 1796, après plusieurs années passées dans une banque suisse, la Maison Clicquot produit environ 8.000 bouteilles par an qu’elle expédie en France mais aussi dans toutes les cours d’Allemagne, particulièrement avides de vins français. Négociant mais aussi financier, François Clicquot fait de ce qui est encore un modeste établissement une vraie entreprise. Toujours sur les routes, il ouvre de nouveaux marchés, notamment en Suisse, en Italie, en Autriche, en Pologne, en Suède, et surtout en Russie, la priorité de la maison. Sous son impulsion, la production passe à 18.000 bouteilles en 1801, 26.000 en 1802 et 60.000 en 1804 !

Pour répondre aux commandes, François a fait aménager de nouveaux celliers à Reims et commencé à recruter des représentants chargés de prospecter les différentes cours d’Europe.

En 1805, les bouteilles de champagne Clicquot se distinguent un peu plus avec notamment la cire verte pailletée d’or ajoutée au bouchon contenant déjà l’ancre.

 C’est alors que survint le drame : en octobre 1805, de retour de l’un de ses innombrables voyages, il est emporté brutalement par une mauvaise fièvre. A seulement trente et un ans.

De 1798 à 1805  François à transmis à Barbe Nicole  toute sa passion et son savoir sur l’élaboration et le commerce du champagne et en parallèle, Barbe-Nicole a mené, la vie sans histoire d’une épouse et d’une mère de famille, consacrant l’essentiel de son temps à l’éducation de sa fille Clémentine.

La mort brutale de son mari vient tout remettre en cause

Barbe-Nicole devient alors veuve Clicquot  et doit prendre une décision très importante : doit-elle conserver l’affaire de son mari ?

La veuve Clicquot Ponsardin

Contre l’avis de son beau-père, effondré et qui envisage de vendre l’affaire, elle choisit pourtant de prendre la suite de François et d’assurer pleinement la direction de la Maison Clicquot. Une première dans le monde du champagne. Mais aussi un véritable risque pour cette femme très jeune encore et qui, jusque-là, s’est totalement tenue à l’écart des affaires de son mari. Grâce à la présence de Louis Bohne  recruté par François Clicquot en 1801 ; elle prend le pari de conserver l’affaire familiale. Son beau-père ne la laisse pas tomber et la soutient dans la reprise de son ancienne affaire. Cependant, les débuts ne sont pas du tout faciles pour la veuve, car la France se trouve en guerre et les exportations ne sont pas acceptées pour le moment. Elle a donc dû s’armer de patience et savoir prendre sur elle-même..

Au fil des années qui s’écoulent, Nicole relève pleinement le défi en dépassant ses limites. Ainsi, 17 000 bouteilles sont commercialisées en 1811, puis 43 000 en 1816, une évolution totalement hallucinante. En augmentant ses ventes, Nicole se rend compte qu’elle a donc besoin d’acquérir plus de terres pour pouvoir produire plus. Elle fait donc l’acquisition de 40 hectares supplémentaires

 Les bouteilles de la Maison Veuve Clicquot-Ponsardin deviennent un succès planétaire, (Le Champagne Veuve Clicquot-Ponsardin – Vintage – Brut)

Louis Bohne est l’un des représentants les plus talentueux de la Maison Clicquot, notamment en Russie où il fait régulièrement de longs séjours. A la jeune veuve, il fait valoir la nécessité de mener à bien l’entreprise commencée par François. Louis Bohne sera, jusqu’à sa mort en 1821 – à la suite d’une chute d’un pont – l’un des plus fidèles soutiens de Madame Clicquot et, à ses côtés, l’un des grands artisans du développement de la maison.

Au début de l’année 1806, la veuve Clicquot, comme on va désormais l’appeler, devient officiellement associée de la maison fondée près de trente-cinq ans plus tôt par Philippe Clicquot, désormais définitivement retiré des affaires. Le contexte est alors beaucoup moins favorable que deux ou trois ans plus tôt. Depuis avril 1805, la Russie a rejoint la Grande-Bretagne au sein de la troisième coalition dirigée contre la France, fermant de facto le marché russe dont François Clicquot avait fait une priorité. S’y ajoute, à partir de 1806, le blocus continental visant à asphyxier l’économie anglaise mais qui a pour conséquence de paralyser presque totalement le trafic maritime, dans la Manche, en mer du Nord et en Méditerranée.

En l’espace de quelques mois, le nombre de bouteilles expédiées par la maison Clicquot chute de 60.000 à 10.000 ! Rude épreuve pour la veuve Clicquot. Face à l’adversité, celle-ci fait pourtant preuve d’un remarquable sens des affaires et d’une fermeté de caractère peu commune, organisant des expéditions clandestines à partir de la Hollande et vers les ports de la Baltique, y perdant parfois des cargaisons entières – comme ces milliers de bouteilles perdues au large d’Amsterdam -, réduisant autant que possible les coûts, s’associant même, un temps, avec la maison rémoise Fourneaux & Cie afin de partager les risques.

 

En 1807, la paix de Tilsit, signée avec la Russie, lui permet d’alimenter le marché russe. Mais, victimes de la méfiance généralisée qui touche alors les produits français, les ventes de la maison ne retrouvent pas encore les niveaux d’avant la guerre et il faut toute l’ingéniosité de Louis Bohne, installé quasiment à demeure à Saint-Pétersbourg et qui travaille sous la surveillance étroite des agents du tsar pour que le marché russe ne se ferme pas totalement.

Le véritable envol de la Veuve Clicquot, c’est en fait à partir de 1810 qu’il se produit. Cette année-là, rompant avec la maison Fourneaux, elle crée une nouvelle maison sous le nom de Veuve Clicquot-Ponsardin. Suivant la voie ouverte par son mari, elle crée aussi un réseau dense d’agents et de représentants en Europe. On en trouve en Italie, dans les pays d’Europe du Nord, dans les cours allemandes et en Europe centrale. Grâce à eux, les ventes de la maison s’envolent à nouveau, atteignant près de 80.000 bouteilles en 1815 !

Coup de chance : en 1812, lors de la campagne de Russie, Louis Bohne avait dû quitter précipitamment Saint-Pétersbourg, laissant là ses effets personnels et tout son stock de bouteilles ! L’abdication de Napoléon Ier, en avril 1814, offre à la veuve Clicquot une occasion inespérée d’y revenir. L’histoire de ce grand retour fait aujourd’hui partie intégrante de la légende de la Maison Clicquot Ponsardin

 

Le 6 juin 1814, alors que Louis XVIII vient tout juste de prendre ses quartiers aux Tuileries, elle affrète un bateau hollandais en partance pour Saint-Pétersbourg avec, à son bord, plus de 10.000 bouteilles. La cargaison est totalement vendue lors d’une escale à Königsberg, nécessitant l’affrètement en urgence, depuis Rouen, d’un deuxième bateau emportant près de 13.000 bouteilles. Le jour même de son arrivée à Saint-Pétersbourg, le 10 août, la Russie annonce la levée de l’interdiction pesant sur les importations de vins français en bouteilles. Le stock est épuisé en moins de deux jours ! Formidable coup du destin qui installe pour plus d’un siècle la Veuve Clicquot – « Klikofsoe » en russe – comme l’un des principaux fournisseurs de la cour de Russie.

Cette notoriété, la veuve Clicquot va la consolider tout au long des décennies suivantes, faisant de l’établissement qui porte son nom l’une des toutes premières maisons françaises de champagne. A la fin des années 1820, l’entreprise exporte 250.000 bouteilles dans toute l’Europe, mais aussi aux Etats-Unis où elle dispose d’un représentant

Soucieuse de la qualité de ses produits, elle s’intéresse de très près à la technique. C’est dans ses caves et sous son « règne » qu’est inventée la table de remuage, permettant d’imprimer une rotation brève et rapide des bouteilles sur elles-mêmes afin de clarifier les vins.

Elle est également l’une des premières à personnaliser sa marque en apposant sur les bouchons le signe VCP – Veuve Clicquot Ponsardin – accompagné d’une ancre marine, un rappel du rôle joué par les expéditions maritimes dans l’histoire de l’entreprise.

A Reims, personne n’ignore qu’elle parcourt souvent les caves la nuit pour s’assurer de l’évolution de ses cuvées.

Femme d’affaires avisée, la veuve Clicquot fait l’acquisition de vignes donnant les meilleurs crus de champagne et d’autres vins (à Bouzy, Verzy, Verzenay, Avize et sur la Côte des Blancs…) jusqu’à détenir plus de 500 hectares

 

Pour le reste, la veuve s’en remet de plus en plus à quelques collaborateurs de choix. Au lendemain de la mort de Louis Bohne, son homme de confiance est Edouard Werlé, entré dans la maison en 1820 et qui, en 1831, deviendra associé à part entière de la maison. Organisateur hors pair, il fera franchir à la maison une nouvelle étape de son histoire.

 

Partiellement retirée des affaires au début des années 1850, la veuve Clicquot meurt en 1866, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.

Peu connue elle-même – elle n’est jamais sortie de France – mais ayant donné son nom à une prestigieuse marque de champagne, sa mort fait la une de toutes les gazettes d’Europe …

Elle repose à Reims au cimetière du Nord.

Château de Boursault

Lorsque le comte Louis de Chevigné épouse le 13 septembre 1817 la fille unique de la Veuve Clicquot, Clémentine Clicquot-Ponsardin (17991863), sa riche belle-mère lui alloue quelques fonds pour remettre en état le château.

Mais ce n’est qu’après le mariage de sa petite-fille, Marie-Clémentine de Chevigné (18181877) avec Louis de Rochechouart-Mortemart (18091873), comte de Mortemart, en 1839, que la décision est prise de refaire le château entièrement à neuf.

Un nouveau château, de style Renaissance, est édifié entre 1842 et 1848 par l’architecte Jean Jacques Nicolas Arveuf-Fransquin (18021876), qui travaillait à l’époque à la restauration de la cathédrale de Reims

 La première pierre est posée le 15 août 1842,

 Cinq ans plus tard, le château est achevé. Un parc paysager de onze hectares est tracé par l’architecte. Sur la façade, face au bassin, une plaque scellée au-dessus du fronton de la fenêtre centrale porte l’inscription NATIS MATER (une mère à ses enfants) rappelant le don de la demeure par la propriétaire des lieux à sa fille et à sa petite-fille.

Boursault devient un des lieux les plus fastueux de la région. Le comte de Chevigné y donne des fêtes et des dîners auxquels se presse la bonne société champenoise, gens du monde, gens de lettres, artistes, autour de celle que Prosper Mérimée appelle « la reine de Reims ».

 « Le majordome Barthélemy veille à la bonne ordonnance de tout, régnant avec autorité sur ce petit royaume, qui va des communs aux écuries, en passant par les cuisines, les caves et la forge. Dans les serres, poussent les ananas, en attendant les orchidées que, dans quelques années, le comte de Mortemart fera fleurir avec science. « Le vin, c’est moi », aime à répéter, paraphrasant Louis XIV, Mme Clicquot. Sa table ne reçoit que du champagne qui grise les têtes les plus solides. »

Veuve Clicquo Ponsardin

L’arrière-petite-fille de la Veuve Cliquot, Anne de Rochechouart-Mortemart (18471933), duchesse d’Uzès, hérite du château à sa mort en 1866. Sur le célèbre portrait de la Veuve Clicquot par Léon Cogniet, où la future duchesse figure assise aux pieds de son arrière-grand-mère, on aperçoit dans le lointain les tourelles blanches de Boursault ; le tableau sera longtemps accroché dans la majestueuse salle de billard du château. La duchesse d’Uzès aime passionnément Boursault. Enfant, elle y passait une grande partie de l’année, « veillée, choyée, surveillée par trois générations : ses mornes parents, ses grands-parents et son arrière-grand-mère… Elle court dans le parc, les rocailles à la mode, folâtre dans les serres ».

Devenu propriété de la duchesse d’Uzès, le château, conçu pour recevoir avec faste, est le théâtre de fêtes majestueuses. Mais en 1913, la duchesse, dont la considérable fortune commence à fondre, s’en sépare.

 

Durant la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale, il est transformé en hôpital militaire